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Les meubles de qualité doivent être conçus et planifiés avec soin afin de présenter une facture esthétique harmonieuse qui ne sacrifie pas la solidité de l'œuvre. Certains ébénistes ont une aisance naturelle pour établir les proportions, courbes et formes d'un meuble lorsque vient le temps de mettre leur vision sur papier. Pour ma part, je dois recourir à quelques outils de base pour réaliser mes projets. Je vous en présente deux ici.
FAIRE UN CROQUIS
Les ébénistes n'ont pas tous les mêmes talents de dessinateurs, et le nombre de détails inclus dans leurs croquis peut varier. Certains ne font qu'une simple liste de débit, sans dessin. D'autres, comme l'ébéniste Hank Gilpin, peuvent même inclure un dessin à main levée du meuble vu de trois quarts, chaque pièce étant identifiée par une lettre qui correspond aux pièces de la liste.
Pour un projet typique, je commence par un simple croquis de base, sans le mettre à l'échelle. En ce qui concerne les croquis, je suis les conseils de James Krenov : « Votre dessin n'a pas besoin d'être soigné ou précis. Laissez-vous aller. Vous n'avez qu'à gribouiller. »
Pour déterminer les dimensions d'un meuble, je me laisse inspirer par son usage et deux autres éléments : le nombre d'or et, le cas échéant, l'environnement qui accueillera le meuble.
LA DIVINE PROPORTION
Dans un article paru en anglais, l'ébéniste Graham Blackburn explique le concept du nombre d'or, aussi appelé divine proportion, et son application aux rectangles et aux objets à trois dimensions comme guide général pour déterminer les dimensions et les proportions d'un meuble. (NDLR : En français, on pourra lire l’article de Mathieu Lamarre « Le mot du mois : Le nombre d'or » paru dans l’infolettre Travail du bois de juillet 2018.)
Vous trouverez des exemples de meubles tels que des tables et des armoires dans des catalogues ou en ligne dont les mesures respectent plus ou moins la divine proportion. Cette proportion me sert de point de départ pour réaliser mes croquis, qui seront peaufinés plus tard.
L'ENVIRONNEMENT
L'environnement physique et les autres pièces du mobilier dans la pièce où sera placé le meuble fini ont également une incidence sur ses dimensions. Par exemple, le nombre de livres à placer et l'espace au sol ont été des facteurs importants lorsque j'ai dû déterminer les dimensions d'une crédence et le choix du style de portes.
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La fonction définit la forme. Les besoins de rangement et les restrictions d'espace au sol ont été déterminants dans la conception de cette crédence.
EN CAS DE DOUTE, FAITES UN PROTOTYPE
Le croquis de base et la liste de débit me suffisent habituellement. Toutefois, les dessins en deux dimensions n'expriment pas toujours toute la complexité ou les aspects imperceptibles d'un projet, comme le confort ou la solidité d'un assemblage. La réalisation d'un prototype ou d'une maquette simple devient alors un autre outil à votre disposition. Voici quelques exemples de la façon dont ces modèles peuvent vous servir.
COMMENCEZ PAR UN GABARIT
Il existe différentes formes de modèles : à l'échelle, grandeur nature, pour le projet complet ou pour une seule partie. Lorsque j'ai conçu une table basse ovale pour ma fille, j'ai fabriqué différents patrons du plateau (voir « Fait pour durer – Composer avec le mouvement du bois »). Le patron en carton lui a permis de voir comment les différentes formes et dimensions de plateau s'harmonisaient avec les autres meubles de sa maison. Le patron final a également servi à tracer la forme à couper et à déterminer la position des pieds et l'emplacement des mortaises.
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Les modèles peuvent être à l'échelle ou grandeur nature, ou ne représenter qu'une partie du meuble, comme ici pour le plateau.
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L'auteur a utilisé le patron du plateau pour déterminer la disposition des planches à coller.
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L'auteur a placé les pieds sur le patron pour déterminer l'emplacement des mortaises.
UTILISEZ DES MODÈLES POUR PEAUFINER LES DÉTAILS
J'utilise aussi des modèles pour m'aider à fignoler les derniers détails ou à vérifier des idées. Pour un tabouret-escabeau, par exemple, j'avais conçu un système de tiges dissimulées à partir de quelques articles de quincaillerie pour maintenir la marche pivotante au corps du tabouret. Mais la tige résisterait-elle à l'usage dans la vraie vie? Pour le savoir, j'ai fabriqué un prototype à l'échelle de la marche pivotante et je me suis tenu dessus à plusieurs reprises pour vérifier la résistance des pivots. Pour le même projet, j'ai aussi utilisé un patron du support de la marche pour déterminer l’emplacement des trous à percer pour les tiges.
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Le tabouret-escabeau est muni d'une marche pivotante qui peut être basculée au besoin.
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Le prototype a permis de vérifier la résistance du système de tige au poids d'un adulte debout.
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Un patron grandeur nature de la patte de la marche a permis à l'auteur de déterminer facilement l'emplacement du trou pour la tige.
LES MODÈLES AIDENT À PRÉVENIR LES CATASTROPHES
Même si l'adage de menuiserie qui dit qu'il vaut mieux mesurer deux fois avant de couper réduit les erreurs de coupe, je dois m'assurer que les mesures calculées pour les parties critiques sont réellement correctes et précises avant de les couper. Par exemple, les portes coulissantes devaient être coupées aux bonnes dimensions pour fonctionner dans les rainures de la crédence. Je n'ai pris aucun risque et, avant de tailler les feuillures sur les portes, j'ai fabriqué un prototype de chaque porte et je l'ai testé dans les rainures.
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L'auteur a coupé deux portes en carton selon la grandeur calculée et les a utilisées pour confirmer l'exactitude des mesures.
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Les feuillures des portes ont été réalisées après un essai avec un prototype.
LES ANGLES POUR LES NULS
Contrairement aux mesures linéaires, les angles et les saillies sont plus difficiles à visualiser par rapport à l'ensemble sur papier. Ainsi, pour déterminer l'angle de coupe des pieds d'une table pour un coin repas, j'ai scié quelques planches à différents angles comme modèles. J'ai ensuite testé un modèle après l'autre sur le pied central de la table pour voir quel angle donnait le plus bel effet. De la même façon, j'ai utilisé des prototypes pour concevoir les pieds biseautés de la crédence.
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L'auteur a déterminé l'angle de coupe des pieds de cette table sans effectuer de calcul.
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En tenant un prototype de pied contre le pied central de la table, l'auteur a pu voir l'élévation réelle du pied par rapport au sol.
Les modèles, fabriqués à partir de matériaux rudimentaires comme du carton, de la mousse isolante ou des retailles de bois, peuvent vous aider à résoudre différentes difficultés au cours de la conception. Véritable bouton « annuler » des ébénistes, ils permettent de mettre à l'épreuve certains aspects d'un projet sans craindre une catastrophe en cas d'échec.
Texte et photos : Charles Mak
Charles Mak est homme d'affaires, ébéniste amateur passionné, enseignant, rédacteur et conseiller. Il a aussi travaillé à temps partiel au magasin Lee Valley de sa région.
AUTRES RESSOURCES PERTINENTES
Blackburn, Graham. « A Guide to Good Design », Fine Woodworking, (Jan./Feb. 2004), p. 48-51.
Gilpin, Hank. « The Illustrated Cutlist », Fine Woodworking, (Jan./Feb. 2019), p. 55-59.
Hayward, Charles (2016). « Accommodation and Proportion », dans The Woodworker: The Charles H. Hayward Years, The Lost Art Press, Vol. II, p. 775-776.
Lamarre, Mathieu. « Le mot du mois : Le nombre d'or ». Infolettre – Travail du bois de Lee Valley (juillet 2018), vol. 3, n° 6.
Lauer, George. « James Krenov: Practical Lessons from a Renowned Master », Wood magazine, (September 2002), p. 68-72.