LE JARDIN PRINTANIER

L'apparition des superbes crocus annonce l'arrivée du printemps dans bien des endroits.
Ces signes hâtifs du printemps remontent le moral et nous remplissent d'optimisme. Parmi les tout premiers présages, on compte un groupe qu'on nomme les éphémères printanières. Elles émergent de la neige pour fleurir et produire leurs graines, puis elles refont des réserves avant d'amorcer une période de dormance jusqu'au printemps suivant. On compte dans ce groupe plusieurs variétés de fleurs sauvages populaires telles que la claytonie de Caroline (Claytonia caroliniana), la sanguinaire du Canada (Sanguinaria canadensis), l'érythrone (Erythronium spp.), le dicentre à capuchon (Dicentra cucullaria), la mertensie de Virginie (Mertensia virginica) et plusieurs autres petits bulbes. Si elles peuvent fleurir dans les conditions changeantes du printemps, c'est en raison de leur capacité d'emmagasiner des nutriments dans leurs racines – rhizomes, cormes, bulbes et tubercules – ainsi qu'à l'effet isolant de la neige qui, lorsqu'elle se trouve en quantité suffisante, peut maintenir la température du sol au-dessus du point de congélation.
Plusieurs plantes à petit bulbe, plantées en automne, vous récompenseront d'une floraison hâtive qui se fait voir au travers de la neige fondante. Bien qu'elles soient petites, leur floraison fait de l'effet avec ses chaudes couleurs rouge, jaune et orange. On les plante autant dans les rocailles, le long des fondations de la maison de même que dans les jardinières. Ne négligez pas les petits narcisses tels le ‘Hawara’, le ‘February Gold’, le ‘Jack Snipe’ et la trompette de Méduse (Narcissus bulbocodium), qu'on plante en touffe ou combinés à d'autres petits bulbes comme l'iris nain réticulé (Iris ‘Reticulata’) aux fleurs bleu violacé et l'iris de Danford (Iris ‘Danfordiae’) aux fleurs jaune beurre. Ajoutez une volée d'anémones de Grèce ‘White Splendour’, d'anémones pulsatille (Pulsatilla vulgaris) et d'ancolies pour varier la hauteur, la forme et la composition de l'aménagement.

La floraison d'un violet profond de l'anémone ajoute de la diversité au jardin.
Les bulbes qui fleurissent tôt au printemps sont d'excellents choix pour les boisés, les bordures et la pelouse. Les perce-neige, la fritillaire damier (Fritillaria meleagris), la gloire des neiges (Chionodoxa luciliae), les scilles et le Puschkinia (Puschkinia scilloides) en sont de bons exemples. La variété des couleurs pures ou rayées des crocus fait aussi de l'effet. Essayez le ‘Jeanne d'Arc’, d'un blanc immaculé, planté devant des genévriers ‘Bar Harbor’ et des genévriers prostrés nains pour créer une impression de ballerines vêtues de blanc qui dansent sur une scène bleue. Les tulipes à floraison hâtive telles les espèces tarda, acuminata, urumensis et pulchella font d'excellentes plantes de rocailles, autant en raison de leur feuillage que de leurs fleurs.

Les gloires des neiges accueillent le printemps de belle manière.
En combinant des plantes forcées en pots enfouies entre les plantes de même espèce poussant dans le jardin, on obtient une longue séquence de floraison. J'ai ainsi combiné, à plusieurs occasions, des plantes propagées en serres avec leurs espèces jardinières. Certaines plantes telles que le cœur saignant ‘Burning Hearts’ peut produire une floraison continue si les fleurs fanées sont retirées.
Enfin, on peut créer l'illusion de périodes de floraison prolongée en jouant sur les ressemblances. Dans les boisés, le couvre-sol à floraison hâtive waldsteinie faux-fraisier (Waldsteinia fragarioides), avec ses fleurs jaunes et ses feuilles semblables à celles des fraisiers, peut être planté entre des Chrysogonum virginianum de forme semblable. Vue d'une certaine distance, cette approche donne l'illusion d'une floraison continue sur plusieurs mois.

L'explosion de couleurs émanant d'un massif de crocus bleus est un festin pour les yeux.
Quelques préoccupations
Si les éphémères printanières nous remontent le moral, elles peuvent aussi provoquer quelques déceptions. Les plantes qui ont déployé leurs fleurs et leurs feuillages peuvent être sujettes aux brûlures foliaires et au gel des fleurs si les températures plongent de façon marquante sous le point de congélation, particulièrement à la suite d'une période de redoux. Les vents violents et les pluies abondantes peuvent porter les plantes vivaces telle la sanguinaire à perdre instantanément leurs pétales. Des périodes de gel et de dégel répétées peuvent porter les fleurs sauvages et les vivaces à être soulevées. Si l’on ne les réinsère pas promptement dans le sol, elles peuvent sécher et mourir. Une couverture abondante de paillis contribue à uniformiser la température du sol et à prévenir de telles situations.
Les écureuils, tamias et autres bestioles peuvent se délecter du feuillage et des bourgeons des plantes à bulbes et des vivaces. J'ai recouvert mes plates-bandes de grillage de basse-cour en le relevant au besoin pour éviter que le feuillage ne s'y accroche. J'ai aussi connu des succès intéressants avec des imitations de serpents et de buses à queue rousse. Assurez-vous de les déplacer chaque jour pour éviter que les animaux détectent la ruse.
Les aménagements de conifères dont le sol est recouvert de petites branches denses et entremêlées peuvent entraver la pousse des plantes hâtives. Élaguez les arbres pour laisser passer la lumière et arrachez les plantes invasives telles que le tussilage pas-d'âne (Tussilago farfara), l'alliaire officinale et la julienne des dames (Hesperis matronalis) afin de donner aux plantes hâtives la chance de prendre le dessus.
Ne ratez pas l'occasion d'inclure ces plantes hâtives dans votre jardin. Le défi que représente leur implantation est plus que compensé par la beauté unique qu'elles confèrent aux jardins au début du printemps.

Arracher les plantes invasives telles que le tussilage pas-d'âne (Tussilago farfara) donne aux plantes hâtives la chance de prendre le dessus.
Texte : Frank Kershaw
Photos : Marnie Wright
Horticulteur primé, Frank Kershaw compte plus de 40 ans d’expérience.
Marnie Wright, qui jardine depuis toujours, écrit abondamment sur le sujet et se passionne pour la photographie de jardins. Elle a aménagé elle-même son jardin, le Rocksborough Garden, situé à Bracebridge, en Ontario, qu’elle cultive depuis plus de 30 ans.