Collectionner les rabots à moulures

De nos jours, la toupie est l'outil de prédilection pour façonner les moulures. Toutefois, les rabots à moulures demeurent utiles pour réaliser des travaux de restauration et de reproduction, tout comme ils trouvent toujours une place de choix dans l'atelier de tous les amateurs d'outils manuels. En général, ces rabots sont très abordables. S'ils sont utilisés avec adresse, la surface rabotée sera lisse et prête pour la finition. Les rabots à moulures créent des profils qu'il est tout simplement impossible de reproduire à la machine. En effet, les fins détails et l'élégance des courbes du modèle original ne peuvent être reproduits à la perfection par les mèches de toupie conçues pour façonner des moulures classiques.

Portrait des rabots à moulures

Malgré leur simplicité de fabrication qui se résume à trois pièces – le corps, la lame et le coin –, les rabots à moulures sont des outils de précision complexes. La forme de la semelle est l'inverse de celle de la moulure à reproduire et l'angle du lit – l'inclinaison de la lame – est calculé en fonction du matériau à raboter ou du travail à exécuter. Il sera de 45° pour les bois mous, de 50° pour les travaux d'ordre général et de 55° à 60° pour les bois durs. Certains rabots possèdent des bandes de bois très dense intégrées à la semelle pour renforcer les zones les plus sujettes à l'usure. Le gaïac était parfois utilisé sur les modèles artisanaux, mais il s'agit généralement de buis. Ces bandes d'usure accroissent la durée de vie de l'outil. Sur les photos ci-dessus, vous remarquerez que le rabot est incliné durant la coupe et que son guide maintient sa position en s'appuyant sur la rive de la pièce. L'inclinaison accroît la maîtrise de l'outil et maintient une largeur de coupe constante, ce qui limite au minimum l'arrachement des fibres durant le rabotage et produit une coupe lisse. En façonnant la moulure en de nombreuses passes, la largeur des copeaux augmente progressivement jusqu'à ce que la butée de profondeur intégrée touche la pièce, ce qui indique que la moulure est terminée.

Image de gauche : Amorcer la coupe. Appuyez fermement le guide contre la pièce à raboter et inclinez le rabot à l'angle approprié.

Image du milieu : Durant la coupe. Le copeau s'élargit à mesure que la moulure prend forme.

Image de droite : Finition. La lame enlève de fins copeaux tandis que la semelle effleure les points les plus hauts de la moulure. Lorsque la butée de profondeur touche le bois, le rabot cesse de couper. Voici une petite doucine grecque en angle.

Déterminer l'époque de fabrication d'un rabot

Avant la révolution industrielle, les rabots à moulures étaient fabriqués dans de petits ateliers. Avec l'avènement de la production en série, la fabrication de ces rabots a été standardisée. Il importe de distinguer les rabots artisanaux des outils fabriqués industriellement, puisque si on trouve encore un certain nombre de rabots des deux types, les premiers sont les plus rares. Il incombe aux utilisateurs et aux collectionneurs que nous sommes de préserver ces artefacts. Une certaine circonspection s'impose donc lorsque vient le moment de choisir les outils à utiliser. Selon moi, on doit limiter au strict minimum le travail exécuté à l'aide de rabots de fabrication artisanale ou de modèles rares et de forme peu courante. D'ailleurs, certains d'entre eux ne devraient jamais être utilisés. Cependant, il revient à chacun de faire ses propres choix.

Un trio de rabots à moulures anciens

Voici quelques informations qui vous aideront à déterminer l'époque de fabrication d'un rabot :

En général, on trouve le sceau du fabricant sur le nez du rabot. Il existe de bons ouvrages de référence qui répertorient la période d'activité de la plupart des fabricants d'outils anciens. Le style du sceau révèle également des indices sur l'âge d'un rabot. L'emploi d'une orthographe surannée – par exemple, lorsqu'on peut lire IOHN GREEN plutôt que JOHN GREEN – est un signe qu'il s'agit d'un outil plus ancien, tout comme un sceau entouré d'une bordure en zigzag. Au contraire, les sceaux qui présentent des motifs spiralés complexes, une écriture cursive ou la marque d'un fabricant industriel – comme Chapin-Union Factory – illustrent bien que la fabrication est postérieure à la révolution industrielle. De nombreux ouvrages-guides classent les fabricants de rabots selon la rareté de leurs outils.

Le haut des coins des rabots fabriqués avant les années 1820 est circulaire, tandis que les rabots fabriqués après cette époque possèdent un coin dont l'extrémité est elliptique. Les fabricants artisanaux créaient parfois un dégagement au dos du coin dans le but de limiter son contact avec la lame et ainsi éviter de l'endommager.

Sur les rabots fabriqués avant 1800, on observe généralement des arêtes chanfreinées, tandis que les rabots usinés présentent des arêtes arrondies.

Le hêtre était le premier choix des fabricants de rabots en série, en raison de son abondance, de sa stabilité dimensionnelle et de sa résistance à l'usure. Cependant, toute autre essence de bois dur faisait aussi bien l'affaire. Les fabricants artisanaux, qui travaillaient à la main, utilisaient souvent du merisier ou du pommier.

La longueur standard d'un rabot usiné est de 9 1/2 po. Elle peut facilement atteindre 10 po et même 10 1/2 po pour les rabots artisanaux.

Les rabots artisanaux comportent parfois des bandes d'usures, généralement constituées de simples bandes incrustées aux points les plus fragiles de la moulure. Les rabots usinés présentent quant à eux de larges bandes d'usure qui couvrent entièrement le profil ou qui sont assemblées à queue d'aronde.

Les moulures à courbes circulaires sont inspirées de l'architecture romaine, tandis que celles qui possèdent des segments elliptiques sont d'influence grecque. Si vous possédez des notions de base en architecture, il vous sera possible d'estimer la date de fabrication d'un rabot et de hasarder des conjectures sur l'utilisation qui lui était réservée. Par exemple, le style néogrec était populaire dans les années 1830. Par conséquent, un rabot qui façonne des doucines grecques a probablement été fabriqué à cette époque. Comme les styles architecturaux se chevauchent dans le temps et que leur apparition varie d'une région à l'autre, ce n'est toutefois qu'une évaluation approximative. La taille du rabot offre également un indice de l'utilisation qu'on en faisait : s'il est étroit, on l'employait peut-être pour façonner des pièces moulurées peu larges appelées feuillures, tandis qu'un outil doté d'un profil large et profond pouvait servir à tailler des plinthes.

Image du haut : Un rabot artisanal fabriqué à la main, probablement aux États-Unis. Aucun sceau n'est estampé sur le nez, mais on remarque que le haut du coin est circulaire et que les arêtes sont chanfreinées.

Image du bas : Un rabot anglais usiné au milieu du dix-neuvième siècle. Le coin présente un profil elliptique et les arêtes du rabot sont arrondies. Le sceau « Arthington-Manchester » est estampé sur le nez du rabot.

Conseils aux collectionneurs

Les rabots à moulures ne sont pas difficiles à dénicher, mais il ne s'agit pas non plus d'outils qu'on trouve à tous les coins de rue. Les marchés aux puces locaux, les ventes aux enchères spécialisées et les salons commerciaux d'outils, sans oublier Internet, sont autant de moyens de mettre la main sur de tels rabots. Lorsque vous considérez un rabot dans le but de l'utiliser, vérifiez les points suivants :

La lame et le profil de la semelle doivent coïncider. Lorsque le corps du rabot est en bon état, restituer le profil de la lame peut sembler une bonne idée, mais il s'agit d'une opération beaucoup plus longue qu'il n'y paraît. Fabriquer une nouvelle lame ou effectuer des restaurations importantes signifie qu'il faudra procéder au recuit, au meulage et à la trempe du métal.

Inspectez la lumière du rabot. Un faible écart – 1/8 po maximum – doit séparer le tranchant du bord de la lumière afin de supporter les copeaux durant la coupe. Si la lumière est trop large, vous arracherez les fibres en façonnant la moulure.

Autant que possible, retirez la lame du rabot en tirant sur le coin ou en frappant sur le talon de l’outil. Inspectez-la soigneusement. La présence d’un peu de rouille de surface est acceptable, mais le tranchant ne devrait présenter aucune piqûre.

Pour que l'achat en vaille la peine, le corps du rabot doit être en excellent état. Il est crucial que ce dernier ne soit pas gauchi, sinon il ne s'appuiera pas correctement dans la moulure. Aux extrémités, sur le bois de bout, on remarque parfois la présence de gerces causées par le temps. Si elles ne sont pas trop prononcées, elles n'auront aucune incidence sur le rabotage. Les égratignures ou entailles superficielles simplement apparues à l'usage sont sans conséquence. Toutefois, laissez de côté les outils qui présentent des signes d'utilisation abusive ou d'usure excessive, comme une lumière modifiée ou une semelle dont les détails ont été effacés par l'usure.

Le coin doit avoir conservé une forme convenable et il doit être ajusté au rabot, c'est-à-dire que l’angle du coin doit correspondre à celui de la portion avant de la lumière. Dans le cas contraire, il sera impossible de régler la lame. Il est facile de fabriquer un nouveau coin, dans la mesure où l’on s’assure de l’ajuster précisément à l’angle de la lumière.

Andrew Strome
Membre de l'équipe Lee Valley